La France n’a pas toujours été une terre d’immigration (1)

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Vous entendez souvent cette phrase : « La France a toujours été une terre d’immigration ».

Qu’en est-il réellement?

  • La population française est longtemps restée homogène et sédentaire, depuis la conquête romaine jusqu’à la seconde moitié du XIXème siècle. Les « Invasions barbares » du IIIème au Vème siècle renversent l’ordre politique mais ne modifient la démographie qu’à la marge : l’addition des Francs, Wisigoths, Burgondes et autres peuples germaniques ne représente jamais plus de 5% de la population totale, d’après l’historien et démographe Jacques Dupâquier. Concernant les Francs eux-mêmes, les plus hautes estimations évoquent 100 000 personnes installées – pour une population totale comprise entre 6 et 8 millions d’habitants.

SOURCE : Jacques Dupâquier (sous la direction de), Histoire de la population française Tome 1


  • A compter de l’an 1000 et jusqu’à la seconde moitié du XIXème siècle, la population française se caractérise par la grande stabilité de sa composition culturelle et ethnique.
  • Les premières vagues d’immigration, essentiellement européennes, débutent dans les années 1860 et s’intensifient par la suite.
  • Jusqu’à la Première Guerre mondiale, cette vague se caractérise par son ampleur relativement restreinte : on compte 2,8% d’étrangers en 1911 (3,3% en incluant les naturalisés) contre 1,05% en 1851. Elle se distingue aussi par le panel restreint des pays d’origine. Deux nationalités composent alors l’essentiel de la population immigrée : les Belges (ils sont 432 000 en 1881, soit 43 % des étrangers) et les Italiens (240 000 en 1881, soit 24%). Viennent ensuite les Espagnols (74 000) et les Suisses (66 000). Les immigrés non-européens sont très rares : l’addition des Asiatiques, des Africains et des Ottomans représente environ 2 000 personnes au tournant des années 1880.

SOURCES :

Daniel LEFEUVRE, Pour en finir avec la repentance coloniale, Flammarion, 2006.

Jean-Pierre POUSSOU, Bernard LEPETIT, Daniel COURGEAU et Jacques DUPAQUIER, “Migrations et peuplement”, in DUPAQUIER Jacques (dir.) Histoire de la population française. Tome III, Presses Universitaires de France, 1995


  • La mobilisation militaire des ouvriers français lors de la première guerre mondiale a nécessité pour la première fois le recours aux travailleurs coloniaux : 190 000 au total – venus du Maghreb, d’Indochine et de Madagascar – sont employés en métropole durant cette période. La plupart sont cependant rapatriés au terme du conflit : on ne compte plus que 5 000 Nord-Africains et 1 200 Indochinois en 1920

SOURCE : Bertrand NOGARA et Lucien WEILL, DUPAQUIER Jacques (dir.) Histoire de la population française. Tome III, Presses Universitaires de France, 1995.


  • Pendant l’entre-deux guerres, des mesures restrictives sont prises par le gouvernement : loi du 10 août 1932 « visant à protéger la main d’œuvre nationale » (qui permet d’établir des quotas d’étrangers dans certaines professions) et décret du 6 février 1935 prévoyant l’expulsion des étrangers exerçant une profession dans un secteur touché par le chômage (si leur présence sur le territoire national est inférieure à 10 ans) => inversion des flux migratoires.
  • L’immigration repart largement à la hausse après la Seconde Guerre Mondiale et reste soutenue tout au long des Trente Glorieuses : cela concerne notamment les flux européens, mais surtout l’immigration originaire d’Algérie, qui est très soutenue dès 1946. Le nombre d’immigrés algériens est multiplié par 10 entre 1946 et 1954 – passant de 22 000 à 210 000. Au cours de la Guerre d’Algérie, il double encore pour atteindre 436 000 en 1962. Vingt ans plus tard, en 1982, on compte environ 800 000 immigrés algériens en France.
  • Le décret du 29 avril 1976 autorisant le regroupement familial rebat les cartes et permet de passer d’une immigration de travail à une immigration de peuplement.

Merci à MAXOU pour cet argumentaire.